Liazid Sandjak évoque ses mauvais souvenirs de la sélection dans les années 90

L’ancien attaquant algérien Liazid Sandjak s’est confié longuement à DZ Foot, pour évoquer son passage compliqué avec les Verts dans les années 90.

À la fin des années 80 et au début des années 90, Liaizid Sandjak faisait partie des rares joueurs algériens à se distinguer dans le championnat français. Avec le PSG, puis à Nice et à Saint-Etienne, il a réussi un parcours tout à fait honorable. Un parcours qui n’a malheureusement pas trouvé de prolongement en sélection. Sa carrière internationale s’est étirée sur cinq ans (de 1987 à 1992), mais son nombre de capes est resté très réduit. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, il nous a expliqué pourquoi, revenant notamment sur l’une des périodes les plus compliquées traversées par l’Equipe nationale.

Liazid Sandjak : « Atal peut jouer n’importe où en Europe »

Pour commencer Liazid Sandjak, quel regard portez-vous sur le retour en grâce de la sélection algérienne ? J’imagine que cela vous fait beaucoup plaisir et que vous en êtes fier, surtout que vous avez côtoyé l’EN des années 90 qui avait remporté la première CAN.

Liazid Sandjak : Bien sûr. Je suis très content. L’entraineur, Djamel Belmadi, a su prendre les bons joueurs qu’il fallait. Sa façon de joueur et sa tactique me plaisent beaucoup. Il a réussi aussi à faire bien défendre l’équipe. Il a construit un vrai bloc, et c’est tout à son honneur car dans un tournoi comme celui de la CAN, il faut être imperméable. Au fur et à mesure des matches, ils ont été performants. Moi quand j’ai regardé la CAN, je savais qu’ils allaient aller au bout. On sentait qu’ils dégageaient une force. C’était bien joué. En plus, cette équipe est jeune. Elle va prendre de la valeur et de la confiance. Et on va être attendus par tout le monde maintenant. Mais cette équipe-là doit encore progresser. Ils ont des choses à faire encore. Il ne faut pas se gargariser. Ce qu’ils ont fait, il faut qu’ils arrivent à le répéter. Mais l’équipe est costaude, et à l’intérieur il y a des individualités qui font la différence. Comme Mahrez, Belaili et d’autres. Belaili c’est un joueur moderne. Des joueurs comme ça, on n’en a pas beaucoup. Même en France, il n’y en a pas énormément. Je ne comprends pas pourquoi il joue en Arabie Saoudite. C’est un sacré bon joueur que Djamel Belmadi a su ramener. Et quand tu en as deux comme ça, sur les côtés, offensivement on peut marquer à tout moment.

Certains joueurs, certains entraineurs ont fait n’importe quoi avec moi. Ils se reconnaitront la plupart (…) J’ai choisi l’Algérie et ce dès mon plus jeune âge. J’ai été toujours correct avec eux, et certains d’entre eux ne l’ont pas été avec moi. Il y a plein de choses qui m’ont déplu (…) Moi, je n’ai jamais renié mon pays, malgré que je sois né émigré. Ça m’a couté pour ma carrière, ça m’a couté plein de choses, mais ce n’est pas grave.

Et vous, si on peut faire un saut dans le passé, que retenez-vous de votre passage en sélection ?

Moi, c’était dommage. Il y a des choses qui m’ont déplu vis-à-vis de la sélection. Quand j’étais au PSG et quand j’étais ensuite à Nice. Certains joueurs, certains entraineurs ont fait n’importe quoi avec moi. Tout le monde vous en parlera. Sachant que moi à l’époque, quand j’étais au PSG, je pouvais jouer en Équipe de France. J’ai choisi l’Algérie et ce dès mon plus jeune âge. J’ai été toujours correct avec eux, et certains d’entre eux ne l’ont pas été avec moi. Il y a plein de choses qui m’ont déplu et certains joueurs aussi. Ils se reconnaitront la plupart. Moi, je n’ai jamais renié mon pays, malgré que je sois né émigré. Ça m’a couté pour ma carrière, ça m’a couté plein de choses, mais ce n’est pas grave.

 

À l’époque, il se disait que c’est vous qui ne vouliez pas venir…

Non, on m’a mis les bâtons dans les roues. Tout le monde le sait. On m’a fait des coups tordus et les journalistes chevronnés le savent. Ceux qui sont honnêtes, ils le savent très bien. Certains gens ont fait un travail pourri là-bas.
Dans les années 90, c’était géré n’importe comment la sélection et beaucoup d’anciens s’en sont plaint.
On cherchait les ennuis gratuitement. Par jalousie, ou je ne sais pas quoi. Il y a plein de trucs qui n’étaient pas clairs, rien n’était réglé. Chaque fois que vous veniez avec l’envie de faire quelque chose, on se comportait mal avec vous. C’est délicat à expliquer aujourd’hui. Je n’ai plus vraiment envie de revenir en arrière. Mais plein de fois on débarquait motivés, et on se retrouvait à ne pas jouer pour des trucs de dingue. Comme le changement de poste. Moi, j’étais à Nice entre 1992 et 1995 et j’y jouais comme attaquant. Et je viens en sélection, et on me dit que je vais jouer latéral droit. C’était Rabah Madjer le sélectionneur. Ce n’est pas un manque de respect total envers le joueur ? Et quand il m’a fait ça, c’était fini. Moi qui ai fait toute ma carrière en tant qu’attaquant, depuis les juniors. Il n’y a qu’une année à Nice, où on m’a fait jouer arrière droit et c’est resté dans leurs têtes.

En 1994, Madjer m’appelle et me dit qu’il compte sur moi. Je fais trois vols pour les rejoindre en Éthiopie et il m’annonce que je joue latéral alors que je suis attaquant. Tout ça, ça s’appelle de la malhonnêteté. Lui (Madjer), depuis longtemps, il a cherché à salir mon nom et ce que je représente. Et il le sait. Jusqu’à maintenant, je suis fâché contre lui.

C’était quand cet épisode avec Madjer ?

C’était en septembre 1994 pour son premier match officiel comme sélectionneur. On allait jouer contre l’Ethiopie en éliminatoires de la CAN. Il m’avait appelé, j’étais à Nice et en pleine forme physique et psychologique. Tout allait bien et on était en milieu de tableau de la D1. Il me connaissait comme joueur, et m’a dit par téléphone qu’il comptait sur moi. J’y vais alors en prenant trois vols, entre Rome, Al-Jeddah puis Addis-Abeba. Et j’arrive jusque-là bas pour qu’il m’annonce que je joue latéral. Avec Tedj Bensaoula, son adjoint. Je les ai regardés tous les deux et je leur ai demandé s’ils ne se foutaient pas de moi. Je leur ai dit, « je ne vais pas parler à la presse et je ne parle même plus avec vous ». C’est un manque de respect pour un joueur qui a une carrière quand même. Je venais de marquer un but et offrir une passe décisive contre Monaco et lui il m’annonce que je vais jouer derrière. Si j’avais su ça, je ne serai pas venu. Il m’a répondu que lui aussi a joué défenseur, je lui ai répondu que je n’avais rien à faire. Moi, à 21,22 ans, tout le monde a compris que je n’étais pas arrière droit.  Tout ça, ça s’appelle de la malhonnêteté. Lui (Madjer), depuis longtemps, il a cherché à salir mon nom et ce que je représente. Et il le sait. Jusqu’à maintenant, je suis fâché contre lui.

C’était à l’image de la mauvaise gestion qu’il y avait à l’époque…

Et il y a d’autres exemples. Comme la Coupe Afro-asiatique contre l’Iran. On fait un très bon match là-bas en ne perdant que 2-1 et pour le retour on change presque toute la moitié de l’équipe pour qu’ils en retirent la gloire à domicile.

Au niveau des tournois majeurs, vous n’avez donc disputé que la CAN 1992 avec l’Algérie.

Oui, et c’était du n’importe quoi là-bas. En 1990, ils ont gagné et ils ne m’ont pas pris pour je ne sais quelle raison alors que j’avais fait toute la préparation. J’ai joué contre l’Angleterre, par exemple. Ça prouve que rien n’était fait honnêtement, et à la fin après le coup tordu de 1994 je n’y ai plus remis les pieds. Heureusement qu’aujourd’hui les choses ont changé. A l’époque, on était négligeant avec les professionnels. On ne payait pas les primes, des fois on te payait le billet d’avion pour l’aller et pour le retour tu te débrouillais. Alors que ton coach en club t’attend. On faisait les choses à l’envers. Il n’y avait pas de prise en charge.

A la CAN 1992, le regretté Kermali a choisi une équipe, mais elle n’était pas la meilleure. Moi j’ai refusé de jouer arrière droit et ça m’a couté d’être dans les tribunes. Il y avait des joueurs qui étaient présents et qui avaient un ancrage. Y en a qui avaient fait tous les matches amicaux et qui se sont retrouvés sur le carreau.

La CAN 1992, en plus, vous ne jouez pas du tout alors que vous êtes parmi les 22.

Oui, et j’étais tellement dégouté par rapport à la manière dont les choses se sont passées. On ne faisait pas jouer les meilleurs. Madjer, par exemple, n’était pas en forme du tout. Il jouait au Qatar. Il est arrivé en étant en surpoids. Aucun match amical joué et il se retrouve titulaire. On était champions d’Afrique, mais on n’avait pas de repères entre nous. Le regretté Kermali a choisi une équipe, mais elle n’était pas la meilleure. Moi j’ai refusé de jouer arrière droit et ça m’a couté d’être dans les tribunes. Il y avait des joueurs qui étaient présents et qui avaient un ancrage. Y en a qui avaient fait tous les matches amicaux et qui se sont retrouvés sur le carreau. Comme Ali Bouafia, par exemple. C’est pour ça qu’on prend une raclée d’entrée contre la Cote d’Ivoiree et on n’est même pas capables de dominer le Congo après. On n’était même pas prêts du tout.

Madjer n’est pas resté longtemps comme sélectionneur, puisqu’il a été débarqué en 1995. Ceux qui lui ont succédé ne vous ont pas appelé ? Comme Ali Fergani par exemple ?

Si, Fergani voulait me prendre pour la CAN 1996 en Afrique du Sud alors que j’évoluais à Saint-Étienne. Je lui avais dit oui, mais que j’avais un seul problème c’est que mon président de l’ASSE qui ne voulait pas me libérer. Et à l’époque, il n’y avait pas le règlement FIFA qui nous protégeait. C’est pour ça qu’il ne m’a pas recontacté. Il n’a pas insisté. Mais j’étais prêt à venir, à condition qu’il n’y ait pas de problèmes comme auparavant. Car vu ce qui s’était produit au préalable tu n’as plus envie de revenir pour prendre un coup dans ta gueule. Et je ne voulais pas me mettre en porte-à-faux avec mon président de club. Mon problème était là. Après ça, ils ne m’ont plus cherché à m’appeler.

Et quand votre frère Nasser est nommé sélectionneur en 1999, vous êtes trop vieux (36 ans)…

Oui, mais j’aurais pu venir. Mais je n’étais plus trop chaud car j’étais à la fin de ma carrière. J’ai préféré leur ramener des joueurs, comme Ali Benarbia, qui refusait de venir. J’ai essayé d’avoir des rendez-vous pour le convaincre et il ne voulait pas aller. Mais cette équipe est allée jusqu’en quarts de finale et c’était presque inespéré. En deux mois, Nasser a réussi à bâtir une équipe. Et ils ont été battus par le Cameroun, ce n’était pas un déshonneur.

En repensant à votre parcours en sélection, il y a donc plus de douleur que de la joie.

Oui, j’ai été même un peu meurtri, car j’aurais préféré que ça se passe autrement.

Il n’y a pas eu que des mauvais souvenirs en sélection, non ?

Non, bien sûr. Je me souviens encore de ce tournoi pour la Palestine qu’on avait joué en 1985 alors que j’avais à peine 18 ans. C’était avec les juniors. J’étais suspendu pour la finale au Stade 5 juillet, mais on avait fait un bon parcours. Il y avait Laribi comme entraineur je crois. Un très bon souvenir. Je me souviens aussi d’un match qualificatif pour les JO en 1988 contre le Soudan à Annaba, où je réalise un superbe match mais personne ne l’a retenu. Il s’est passé quelque chose de bien. J’ai pensé continuer sur cette lancée.

Mais en tant qu’algérien et supporter, j’imagine que vous continuez à vibrer pour cette équipe.

Oui, je regarde tout le temps. Mais il y a quelques années, j’étais malade. J’ai eu une grave blessure. A 38 ans, j’ai passé mes diplômes d’entraineur et j’ai galéré après. J’étais comme bloqué et enchainé à la maison. Je ne pouvais pas entrainer. J’ai fait trois opérations de la jambe et ça m’a fait souffrir après. Je n’étais pas trop bien. Les kinés, les soins, ça joue sur les nerfs. Là, depuis un an, deux ans, je suis avec Nasser à l’équipe de Noisy-Le-Sec. Ça va mieux physiquement et mentalement. Au début de ma carrière. Ça va mieux et je regarde plus de matches.

Gérard Houllier qui était mon entraineur au PSG, il m’a dit « tu choisis soit l’Algérie, soit la France. Mais si tu choisis l’Algérie, tu vas le regretter toute ta vie ! » Et il a mis ses menaces à exécution en me mettant au placard. Ça m’a dégouté, surtout que je n’ai pas eu la possibilité de montrer qu’il avait tort.

Lors de votre reconversion comme coach, il y a aussi eu la fédération française qui vous a mis des bâtons dans les roues et empêché d’avoir votre licence…

Si vous voulez une explication, Gérard Houllier qui était mon entraineur au PSG, il m’a dit tu choisis soit l’Algérie, soit la France. Mais si tu choisis l’Algérie, tu vas le regretter toute ta vie. Je lui ai dit que je suis algérien d’origine, avec toute ma famille, et que je ne me vois pas jouer pour la France. Du côté de ma mère, il y avait même des morts. Je lui ai sorti ce que j’avais sur le cœur. C’était comme ça, je ne me suis pas laissé faire malgré leurs efforts. Et dès que j’ai joué pour l’Algérie, il m’a mis au placard. Il préférait faire jouer des jeunes de là-bas comme Pascal Nouma plutôt que moi. Pourtant, j’avais prouvé que j’étais capable de jouer. Vous savez dans cette situation, vous vous retrouvez toujours seuls. Et ce qui est démoralisant, c’est qu’en sélection algérienne, on vous met au placard aussi. C’est ça qui est grave. Mais ça fait partie de ma vie, c’est comme ça. J’ai pu mener ma carrière comme j’ai pu. Mais j’étais dégouté quand même, car ce genre de choses, ça reste dans votre esprit.

Avez-vous le sentiment que vous n’avez pas eu la considération que vous méritiez dans votre pays et à la hauteur des efforts consentis ?

C’est ça oui. Car j’aurais aimé que ça se passe différemment avec mon pays. Quand vous êtes un bon joueur, et que vous évoluez régulièrement en club, vous devez être là. C’est ça qu’il faut retenir. En plus, Houllier est ensuite devenu sélectionneur et il était important pour moi de jouer avec mon pays pour lui montrer qu’il avait tort. Ce que les joueurs font aujourd’hui. Et moi je n’ai pas eu ça. Au contraire, ça m’a enterré. Mais bon, ils le savent les gens et savent ce qui s’est passé. Quand vous regardez mon nombre de matches avec la sélection, je n’en ai pas eu beaucoup. Dire que toutes ces années où j’ai été joueur, j’aurais pu être avec ma sélection. Ça m’aurait fait beaucoup de bien. Ça aurait été quelque chose de bien dans ma progression à moi et par rapport à l’Algérien que je suis. Mais on m’a mis au placard. Il y avait beaucoup de jalousie derrière ça, car j’étais quand même un joueur du PSG. Et en sélection, on n’a jamais vraiment vu ma valeur. Tous les joueurs de l’époque le savent. Ils ne m’ont pas mis dans les meilleures conditions. Mais bon, je n’ai pas de regrets, car j’ai de bons souvenirs de peu de matches que j’ai faits.

Propos recueillis par Naim Beneddra

Nos remerciements au compte facebook « Fayçal, djibouha ya Ouled » pour les photos procurées.

 

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