Invité exceptionnel du dernier numéro de « C’est vous l’Expert« , Kheireddine Zetchi, l’actuel président du Paradou AC a accepté de répondre à nos questions. L’homme responsable de l’unique académie de football en Algérie est revenu sur l’œuvre de sa vie alors que le projet fêtera ses 10 ans cette année. Bien que freinée par certains obstacles, l’académie du Paradou apparait être un outil qui donne satisfaction, si bien qu’elle fait figure d’exemple aujourd’hui. Amoureux du football avant tout, notre invité s’est également exprimé sur l’état du football algérien, qu’il n’a pas ménagé…Première partie de l’entretien sur le volet de la formation en Algérie !
Avant de commencer la rédaction de LGDF tient à vous féliciter car en 2017 l’académie du Paradou AC fêtera ses 10 ans…
Effectivement cela fera 10 ans en 2017 puisque nous avons lancé ce projet d’académie en 2007. (NDLR: le club du Paradou AC a été fondé de son côté en 1994, atteignant la Ligue 1 au bout de 10 ans puis une relégation en 2005 et enfin une succession attendue pour la saison prochaine)
À la base ce grand projet était de former des jeunes Algériens, d’un point de vue financier combien coûte la formation d’un jeune académicien à l’année ?
La formation d’un jeune joueur à l’Académie représente un coût de 800 000 dinars annuel par académicien.
« Dans les années 70 nous avions un meilleur système de formation en Algérie (…) aujourd’hui les clubs cherchent les résultats immédiats ! »
Comment expliquez-vous que le modèle que vous avez créé en Algérie n’ait pas été adopté par d’autres clubs ?
Vous savez je pense que c’est culturel parce qu’il faut savoir que dans les années 70 nous avions un meilleur système de formation en Algérie qu’aujourd’hui. Ensuite, il y a eu cette décennie qu’a traversé l’Algérie qui a profondément changé le visage et le type de dirigeant des clubs sportifs. Dès lors beaucoup de traditions et de savoir-faire capitalisés depuis l’indépendance ont été perdus et je pense qu’aujourd’hui nous avons affaire à une classe de dirigeants qui sont beaucoup plus à la recherche du résultat immédiat ce qui ne permet pas vraiment d’investir sur la durée et le long terme.
C’est donc la recherche du résultat immédiat qui fait que les clubs n’ont pas forcément opté pour la formation c’est ça ?
Absolument les clubs aujourd’hui veulent des résultats immédiats parfois sous l’impulsion des supporters qui sont très impatients de voir leur clubs gravir les échelons, monter des divisions et remporter des championnats et dès lors on a vite fait d’aller chercher les oiseaux rares dans d’autres clubs au lieu d’attendre et d’investir sur sa propre formation.
En parlant de formation on va revenir sur le vôtre aujourd’hui, le Paradou vise une montée en première division, quel est l’avenir de votre académie et du club ?
Vous savez aujourd’hui nous avons axé toute la politique de notre club sur notre propre formation donc on peut se considérer comme un club formateur et nous allons continuer en première division à nous appuyer sur le produit de notre propre formation. Ceci nous a permis de bien maîtriser notre budget et c’est ce qui fait la force de notre club. Nous n’avons pas ce besoin d’aller chercher des joueurs sur le marché qui souvent coûtent trop chers cela nous permet de nous projeter sur l’avenir en toute sérénité.
En parlant de joueur, vous avez l’habitude de les prêter à des clubs de première division algérienne, dans quel but ? Souhaitez-vous qu’ils se fassent repérer pour partir à l’étranger où est-ce que c’est simplement pour leur donner du temps de jouer au plus haut niveau ?
Je pense qu’il y a un double objectif lorsqu’on prête des joueurs. Tout d’abord c’est qu’ils sont arrivés à maturité pour jouer en équipe première et nous ne pouvons pas donner à tous ses joueurs la possibilité de jouer au sein du Paradou, c’est ce qui fait que nous leur trouvons des clubs leur permettant de s’aguerrir et de s’améliorer et prendre de l’expérience. Le deuxième objectif reste évidemment des prêts payants qui nous permettent de renflouer les caisses et donc compter sur cette ressource qu’est le produit du transfert ou le produit du prêt.
Concernant la formation de l’Académie que vous avez mise en place il y’a 10 ans quelle(s) difficulté(s) avez vous rencontré pour créer ce projet qui était complètement nouveau à l’échelle algérienne ?
Les gens qui intervenaient dans le monde du football ont un peu mal pris ce projet bien que nous ayons eu rapidement beaucoup de sympathie de l’Algérien qui aime le football. Nous n’avions pas d’expérience c’est pour cela que nous avons choisi de nous lier aux académies de Jean-Marc Guillou pour justement comprendre et capitaliser de l’expérience avec des gens qui avaient déjà travaillé dans ce domaine de la formation. Notre plus grande difficulté aura été la méconnaissance du monde de la formation.
« L’Algérie est une terre de football… une académie comme la nôtre est vraiment très insuffisante pour un pays de 40 millions d’habitants »
Est-ce-que le modèle du Paradou peut se développer et s’implanter dans les autres wilayas ?
Je ne vous apprendrai rien du tout si je vous disais que l’Algérie est une terre de football, je pense qu’elle a enfanté beaucoup de très grands joueurs formés en Algérie. Nous voulions aussi beaucoup d’Algériens formés selon le système français qui a apporté beaucoup à notre football et notamment en équipe nationale. Même avec notre système de prospection sur tout le territoire national y compris le Sud algérien où nous travaillons énormément, je pense qu’une académie comme la nôtre est vraiment très insuffisante pour un pays de 40 millions d’habitants qui est le plus grand pays d’Afrique. Et avec cet engouement qu’a l’Algérie pour le football je pense que nous avons besoin de projets identiques mais je n’aurais pas cette prétention de pouvoir créer des académies à travers tout le territoire national car cela demande une logistique et des fonds très importants. J’espère que les nouveaux responsables qui arriveront à la tête de la Fédération algérienne de football pourront insuffler un vent nouveau pour développer et monter des académies et des centres de formation en Algérie.
Concernant l’équipe nationale et notamment les équipes nationales de jeunes lors de la CAN 2013 il n’y avait pas de joueurs de l’Académie du Paradou. Y-a t-il eu boycott ?
Je me rappelle très bien de cette période et pour l’anecdote il faut savoir que Ramy Bensebaini qui évolue aujourd’hui à Rennes, était dans le groupe qui préparait la Coupe d’Afrique qui a été organisé en Algérie sous la coupe de Monsieur Nobilo. Personne n’a jamais compris pourquoi un joueur aussi talentueux que Ramy Bensebaini n’a pas été retenu pour cette CAN. D’ailleurs, j’ai rencontré certains de ses copains internationaux qui ont fait la CAN et qui ont été très étonnés. On a eu vent qu’il y a eu un certain boycott mais je n’accorde pas beaucoup d’importance à tout ça. Aujourd’hui je pense que le produit de notre académie est reconnu sur le plan national et je pense que nous avons dépassé les frontières algériennes. S’il y a eu boycott les gens ont pénalisé nos équipes nationales car je pense que nous avions la possibilité de fournir beaucoup de bons joueurs.
« Un pays comme l’Algérie a besoin d’avoir une quinzaine de centres de formation ou d’académie pour élever le niveau global de notre championnat qui est manifestement très médiocre »
Est-ce que vous pensez qu’aujourd’hui à moyen au court terme les joueurs du Paradou pourraient suffire à l’équipe nationale ? Ou bien il faudrait plusieurs petits Paradou partout ?
Un pays comme l’Algérie a besoin d’avoir au minimum une quinzaine de centres de formation ou d’académie comme la nôtre et notamment pour pouvoir élever le niveau global de notre championnat qui est manifestement très médiocre. Il faudra que les nouveaux responsables du football algérien se penchent sérieusement sur cette problématique pour pouvoir être efficace d’ici une dizaine d’années. Il faut commencer un jour un travail sérieux parce que le bricolage que nous sommes en train de faire depuis quelques années ne mène à rien.
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