Feghouli: « J’ai mal digéré ma non participation à la CAN »

Sofiane Feghouli, qui a effectué son grand retour en sélection à l’occasion du premier stage de Lucas Alcaraz, le 2 juin dernier, a choisi nos colonnes pour nous parler de sa saison. Ses débuts difficiles à West Ham, l’épisode Rajevac, sa mise à l’écart de la sélection à l’occasion de la précédente CAN. Une mise à l’écart sous l’ère Georges Leekens qu’il a très mal vécue et dont il ne connaît toujours pas les réelles raisons. Une première partie d’un entretien dans lequel et comme à son habitude, Feghouli s’est montré à la fois franc et sincère en nous livrant le fond de sa pensée, mais tout en demeurant objectif et réaliste. Entretien exclusive du site dzcompétition.

Avant tout, comment allez-vous après votre blessure contre le Togo dimanche dernier ?

Comme j’étais surpris et que je ne m’attendais pas au changement, il a fallu que je rentre vite en jeu, et de ce fait je me suis échauffé très peu et avec le mois de Ramadhan et la fin de saison, pas évident.

En fait je me suis blessé suite un sprint. J’ai ressenti une forte contraction au niveau de la jambe. Après j’ai essayé d’insister à plusieurs reprises avec un bandage, mais au bout de 10’, voire 15’, j’ai vu que je ne pouvais plus continuer, et j’ai demandé le troisième changement. Mais hamdoullah ce n’est pas très grave. Je suis en train de subir des soins quotidiens. J’avoue que je l’ai échappé belle et j’en suis content.

Avant d’évoquer l’équipe nationale, on va parler de West Ham, si vous deviez faire un bilan de votre saison, vous diriez quoi ?

J’ai fait une très bonne pré-saison mais malheureusement je me blesse juste avant la première journée du championnat contre la Juventus, un match de présentation. Les jours qui ont précédé ce match face à la Juv j’avais mal à l’ischio, et bêtement je pensais que ça allait passer, et au lieu de faire l’impasse sur cette rencontre j’ai joué, et à la mi-temps je m’étais rendu compte que je m’étais gravement blessé, ce qui m’a fallu un mois et demi d’indisponibilité. Ça m’a gâché tout mon début de saison. Le championnat a commencé la semaine d’après, et il a fallu se remettre en jambes, ensuite retrouver la forme avec une équipe déjà en place, et ce n’est jamais facile…

En fait c’est le début du championnat qui a conditionné votre saison ?

C’est tout à fait cela, car après mon retour, il a fallu faire preuve de patience. Au mercato hivernal, j’avais eu pas mal de sollicitations, et j’ai décidé d’avoir une discussion franche avec l’entraîneur pour savoir s’il comptait ou non sur moi vu que j’avais besoin de temps de jeu pour démontrer ma valeur. Le coach m’a rassuré, m’affirmant que je ne devais pas partir et qu’il comptait sur moi. Il m’a même dit qu’il allait me donner ma chance et que je devais continuer à travailler comme je le faisais. Après j’ai eu une période où j’ai joué, suivie d’une autre durant laquelle j’ai moins joué. J’ai retrouvé du temps de jeu en fin de saison où ça s’est plutôt bien passé, notamment avec un but lors de la dernière journée…

Donc pas très content de cette saison en Premier League ?

Un bilan plutôt mitigé car c’est la saison durant laquelle j’ai le moins joué au cours de ces six dernières années. Mais après il y a de bonnes choses que je retiens. C’était un nouveau challenge avec un nouveau football que j’ai découvert. C’est une année où j’ai acquis beaucoup de choses et qui me serviront à coup sûr pour cette saison…

Un climat nouveau aussi, vous qui aimait le soleil…

Oh ! la la ! Après six ans passées en Espagne avec du soleil tout le temps, c’est vrai que ce fut un changement radical pour moi à ce niveau-là.

Mais malgré cette année difficile, vous décidez de rester et d’honorer votre contrat ?

Comme je l’ai annoncé sur mes réseaux sociaux récemment, j’ai encore deux ans de contrat. La première année je la considère comme étant celle de l’adaptation. Jusque-là je n’ai pas démontré ce que je valais, et je ne me dis pas du tout que c’est un échec. C’est un beau championnat, un championnat à faire dans une carrière. J’avais fait la France, l’Espagne et là je découvre la Premier League et j’ai vraiment envie de réussir.

Cette saison, qu’est-ce qui était le plus dur ?

De faire preuve de patience sachant qu’il faut s’entretenir pour répondre présent lorsque le coach fait appel à vous. Et au final je m’en sors avec des statistiques plus qu’honorables par rapport au temps de jeu que j’ai eu. Je suis content et les supporters sont contents de moi et pensent même que je mérite plus de temps de jeu.

Justement on a vu que le courant passait très bien entre vous et les supporters de West Ham ?

Oui et ça me fait très plaisir. Ils voient que je suis un mec qui donne tout et ça me va droit au cœur.

Sincèrement comment avez-vous vécu cette mise à l’écart de la sélection lors de la CAN ?

Franchement très mal. J’étais très déçu et c’était très difficile de ne pas faire partie de la liste des 23, surtout que je ne m’y attendais pas du tout. L’équipe nationale, tout le monde sait que ça me touche, surtout que j’avais à cœur d’aller disputer cette coupe d’Afrique et de représenter au mieux cette équipe nationale. Malheureusement et pour certaines raisons, on n’a pas fait appel à moi. Mais bon là ça fait partie du passé et il faut passer à autre chose…

Mais on sent que vous avez été à la fois choqué et marqué par cette mise à l’écart ?

Comme je viens de vous le dire, cette CAN et comme tous les matchs de l’équipe nationale je l’attendais avec impatience, et j’avais hâte d’y être. Après vous vous rendez compte que vous n’y êtes pas. Ça vous tombe comme ça sur la tête et vous ne pouvez pas imaginer, moi qui rêve à chaque fois de défendre le maillot de mon pays, à quel point ce moment et même tout le mois qui a suivi, c’était super dur à vivre. Mais bon c’est avec ce genre de coups qu’on se forge le caractère et qu’on devient encore plus fort. Il y a eu aussi le soutien de ma famille et de mon entourage, et j’ai pu relever la tête. Mais sincèrement ce ne fut pas facile.

Quelqu’un vous l’avait annoncé avant que la liste ne soit rendue publique ?

Et bien l’ancien sélectionneur national, Georges Leekens m’avait laissé un message sur ma boîte vocale m’informant qu’il était embêté et qu’il ne ferait pas appel à moi pour prendre part à cette Coupe d’Afrique des nations du fait que je manquais de temps de jeu. C’est comme ça que je l’ai appris en écoutant ma boîte vocale. Donc imaginez un peu le coup de massue…

Surtout que le temps de jeu n’a jamais été un paramètre en sélection, au du moins au cours de ces dernières années ?

Peut-être qu’en ce qui me concerne, certains dirons qu’au niveau du temps de jeu c’était une période difficile, mais si on voit le détail de chacun y en a très, très, peu qui ont fait une saison complète. En termes d’expérience, je pense que j’aurai pu apporter beaucoup surtout en Afrique. Pareil en terme d’envie et d’engagement et cela même avec très peu de matchs dans les jambes. Pour ce qui est de l’état d’esprit, je suis sûr que personne n’aurait fait mieux que moi…

En fait le temps de jeu, ça ne serait pas la vraie raison de votre mise à l’écart, c’est plus votre déclaration concernant Rajevac «erreur de casting» qui en serait la cause ?

Je ne sais pas vraiment, ça reste des suppositions car personne ne me l’a clairement dit ou signifié.

Cela dit je ne reviendrai jamais sur mes propos. Je l’ai dit et l’assume parfaitement. Je suis quelqu’un de sincère et de franc qui dit les choses comme je les ressens, et il est clair que je ne risque pas de changer. Je l’ai déclaré parce que je le pensais.

Avez-vous vraiment tourné la page  de cette CAN?

Encore une fois, cette histoire de la CAN fait partie du passé. Nous avons un nouveau coach avec des nouveaux objectifs. Je suis revenu en sélection et j’en suis à la fois fier et content, et je pense pouvoir encore beaucoup donner en EN lors des prochaines années. En tout cas je donnerai le meilleur de moi-même comme je l’ai toujours fait au cours de ces dernières années.

Revenons à l’épisode Rajevac, on vous accuse d’être l’initiateur de la révolte contre le coach serbe ?

Je suis un joueur comme tous les autres, je me dois de répondre présent quand on fait appel à moi lorsqu’il s’agit de défendre les couleurs de mon pays. Maintenant quand quelque chose touche l’intérêt de l’équipe d’Algérie, c’est tout à fait dans mon droit de le dire. Sans rentrer dans les détails, des choses ne me plaisaient chez cet entraîneur, et j’ai dit en toute liberté et en ayant la conscience tranquille que ce fut une erreur de l’avoir ramené. Maintenant ce n’est ni à moi ni à un autre joueur de décider de l’avenir ou de l’identité d’un coach. Il y a une fédération en place qui a cette prérogative, la suite concernant Rajevac tout le monde la connaît.

Justement la suite fut avec Georges Leekens et ce match perdu face au Nigeria où vous auriez pu beaucoup mieux faire ?

Oui je pense qu’on aurait dû mieux faire à tous les niveaux. Perdre sur 3 buts à un fut très sévère lors de cette confrontation dont on espérait beaucoup parce que ça aurait pu être le tournant de ces éliminatoires. Après et comme je l’ai déjà dit, ça fait partie du passé, et il est impératif de rebondir maintenant avant que ça soit trop tard et surtout pour ne pas avoir de regrets.

Cette CAN où Carl Medjani et vous, les deux capitaines de cette équipe étiez absents, ce fut une vraie catastrophe et cela à tous les niveaux ?

Et bien comme tous Algériens j’ai suivi les matchs via le petit écran. Autant en 2013 en Afrique du Sud, on sentait que quelque chose se mettait en place et se construisait, que ce soit au niveau du jeu ou sur d’autres plans, et que l’élimination au premier tour était difficile à digérer, avec ce but des Tunisiens à la dernière seconde, autant au Gabon c’était tout simplement la CAN de la honte. Au niveau de l’image qu’a reflétée cette équipe et de l’état d’esprit, je ne comprenais pas ce qui se passait. Sans incriminer personne, je pense que tous les joueurs doivent faire face à leurs responsabilités et à l’image qu’ils véhiculent de cette équipe d’Algérie. On représente près de 40 millions d’Algériens et il est impératif de ne pas faire n’importe quoi quand on porte le maillot de notre pays.