Thuram défend la polémique de l’Afrique championne du monde 2018

L’ancien défenseur international français Lilian Thuram, champion du monde 1998 avec les Bleus, a réagi à la polémique autour des origines africaines de la plupart des joueurs de l’équipe de France de football, fraîchement auréolée de son titre de championne du monde décrochée en Russie aux dépens de la Croatie (4-2).

« C’est surtout une hypocrisie totale de dire qu’il ne faut pas parler des origines des joueurs. Parce qu’avec ceux qui ne jouent pas en équipe de France, on se l’autorise. Ceux-là sont sans cesse désignés comme des jeunes issus de la deuxième ou troisième génération, sans cesse renvoyés à leurs origines. Cette victoire est un cadeau extraordinaire fait à tous ces enfants qui ont du mal à se considérer comme français. Avec elle, ils pourraient franchir le pas. Mais on ne devrait pas attendre une Coupe du monde pour leur donner le sentiment d’être légitimes, ce devrait être un discours porté par nos politiques et notre société », a-t-il indiqué dans un entretien accordé au quotidien français Libération.

Sur les 23 joueurs retenus par le sélectionneur des Bleus Didier Deschamps pour la Coupe du monde 2018, pas moins de 16 joueurs sont originaires d’Afrique dont 2 du Maghreb (Adil Rami et Nabil Fakir), une présence massive qui a fini par faire réagir et exploser la toile, où certains n’avaient pas hésité à dire que c’est l’ « Afrique » qui remporté la Coupe du monde au vu du nombre important de joueurs ayant au moins un parent d’origine africaine.

« En fait, parler des origines de quelqu’un n’est pas un problème, tant qu’on ne l’enferme pas dedans. Jusqu’à preuve du contraire, chacun de nous en a, alors pourquoi ne pas aborder le sujet ? Parce que ce sont toujours les mêmes qu’on renvoie à leurs origines. Parce qu’on ne parle pas de celles de Lloris, Griezmann, Hernandez, Pavard. Parce qu’en fait, c’est de couleur de peau dont il s’agit. Ce n’est pas anodin que certains pays désignent les joueurs d’origine africaine. Le message est simple : on ne peut pas être noir et européen, puisque les Noirs sont africains. Et il y aurait trop de Noirs dans l’équipe de France. A ce discours-là, la FFF ((fédération française de football, ndlr) oppose que tous les joueurs sont français. Bien sûr, évidemment, sinon ils ne pourraient pas jouer en équipe de France ! . Ne faudrait-il pas dire, assumer, que la force de notre pays, de notre football, tient à ce que nous avons tous des origines, des couleurs, des religions différentes… Dire que là est notre fierté, que nous sommes fiers de cela. Et voilà pourquoi nous sommes champions du monde », a-t-il ajouté.

Avant d’enchaîner : « Après cette victoire, il n’y aura peut-être plus de questionnements sur la légitimité d’être noir et français. A condition de rappeler les débats qui ont agité la FFF. Il faut dire aux gens : vous qui êtes heureux de la victoire de l’équipe de France, souvenez-vous qu’en 2011, des personnes ont voulu mettre en place des quotas pour les binationaux. Avec ces quotas, nous n’aurions pas cette équipe-là. Ce projet a été empêché grâce au courage d’un lanceur d’alerte, Mohamed Belkacemi », a souligné Thuram, réputé pour être un farouche militant contre le racisme.

Thuram de 46 ans (142 sélections/ 2 buts), champion du monde 1998 et détenteur de l’Euro 200 avec l’équipe de France, est d’origine guadeloupéenne. Il avait porté les couleurs de l’AS Monaco (1991-1996), du FC Parme (1996-2001), de la Juventus de Turin (2001-2006), avant de terminer sa carrière au FC Barcelone (2006-2008).