Lamine Kezzim : « En Algérie, la préformation est négligée depuis des années »

Multi-tâches du football avec les fonctions de coach, éducateur, chroniqueur, « agitateur de compétences », DZ Ballon vous dresse le portrait de Lamine Kezzim. Passé par l’IEPS, il revient sur son parcours tout en donnant son point de vue aiguisé sur le foot DZ.

Lamine, peux-tu revenir sur ton parcours dans le football ?

Il est très simple, j’ai commencé à jouer au football à Alger, mon premier club est l’IR Bir Mourad Raïs qui était de mon secteur, avant de faire en jeunes des passages au RC Kouba, CR Belouizdad et l’OMR Annassers. Je suis parti jeune d’Algérie pour arriver en France, jouant à Sainte-Geneviève avec qui j’ai subi une méchante blessure qui m’a stoppé dans mon élan. J’ai commencé très jeune à entrainer, même en Algérie je coachais à 17 ans. En étant étudiant avec la sélection, j’entrainais notamment le NAHD. En France, j’ai démarré avec le CFFP (Centre de Formation de Football Paris) durant une dizaine d’années, passant par la suite par Choisy-le-roi, Créteil, l’US Ivry, l’UJ Alfortville ou l’AS Orly. J’ai aussi eu le plaisir d’entrainer l’équipe de France U12 à la Danone Cup, devenant champion national.

Tu as aussi connu des expériences hors de la France et d’Algérie ?

En plus du RC Kouba, à l’étranger j’étais aussi en fonction au Maroc avec le MC Oujda tout en effectuant également des collaborations avec des fédérations. Ensuite je me suis occupé de ma propre structure de management sportif et coaching personnalisé, BLK Sport’s. Actuellement je suis responsable d’un pôle technique de jeunes ayant besoin de rebondir.

Passé par les structures formatrices de coachs , quel est ton avis à ce sujet ?

Je suis passé par l’IEPS à l’époque et il y a eu l’ISTS, on peut dire que c’était un enseignement de qualité à ce moment-là, c’était même avant-gardiste pour ce que c’était à mon humble avis car c’était le premier institut qui avait été ouvert en Afrique. Il y avait une collaboration avec des techniciens venant surtout des pays de l’Est, au niveau de la méthodologie c’était vraiment pas mal, beaucoup d’entraineurs sont sortis de là-bas.

Beaucoup parlent du côté désuet de l’ISTS, tu le penses aussi ?

Le football de haut niveau a évolué, véritablement on a pris beaucoup de retard et je pense que l’ISTS n’a pas su se renouveler et se réinventer. Il va falloir à mon avis passer par des formations payantes, accélérées et s’orienter davantage vers la pédagogie, de l’éducation physique. On aurait du se baser beaucoup plus sur la formation générale des entraineurs et des formateurs mais on a préféré faire autre chose. De toute façon il va falloir faire un bilan pour voir ce qui ne va pas, je pense que dans l’histoire de l’ISTS et des autres instituts il y a eu deux périodes, celle où c’était une réussite au départ mais là ca devient un échec comme on a pas su adapter de nouvelles technologies du sport de haut niveau avec les nouvelles générations. Il va falloir revoir ce qui se fait dans le monde afin de l’adapter.

Comment évalues-tu la différence de formation entre l’Algérie et la France ?

Il n’y a pas lieu de comparer car en réalité chaque pays a ses spécificités. Du coup, on peut constater que la France a une politique sportive plus claire avec des moyens mis en place et des contrôles, des mises à jour adaptées à chaque période. On arrive en France à toucher les cibles et performer pour avoir plus de résultats, en refaisant des audits et des bilans régulièrement pour analyser les manques. En Algérie, le problème est avant tout de politique sportive générale. La première question serait de savoir ce que l’on veut faire du sport de haut niveau et de notre football ? Ceci permettrait de redéfinir les grands axes que sont la formation et la préformation. En Algérie, cette dernière est négligée depuis de nombreuses années, lorsque l’on voit le travail réalisé dans les clubs ce n’est plus possible ! Pourtant le potentiel à cet âge-là est supérieur à la France, en écartant l’Ile-de-France qui a un potentiel non négligeable reconnu partout dans le monde.

Quels sont les autres aspects qui doivent évoluer pour le bien de notre football ?

Il y a aussi un problème de ressources humaines, de formateurs spécifiques à ces catégories d’âge, de contenu, de cursus et de moyens mis en place dans ce but. Tout cela fait que l’on continue de fonctionner de manière plutôt archaïque, les clubs ne jouant d’ailleurs pas le jeu en étant pas structurés, ils n’ont pas d’objectif réel de formation. Le football amateur est en grande difficulté, il va vraiment falloir revoir tout cela et retravailler les bases, comme la préformation, sachant que les clubs sont en difficulté financière donc ca passera par la formation. L’Algérie est un pays de footeux, il faut donc être patients car il faut du temps pour former un joueur, il n’y a pas de miracle à ce sujet !

Comment qualifier l’état de notre football local ?

Ce n’est pas vraiment à moi de le faire mais on peut dire que ce n’est pas trop reluisant, on le constate en équipe nationale où on retrouve un seul joueur évoluant en Algérie. Notre championnat n’est pas attractif, il y a un gros problème dans l’approche du professionnalisme et il y a aussi une injustice avec certains clubs bénéficiant de sociétés et pas d’autres notamment. Il faut à mon avis revoir la cartographie du football national, mettre aussi un cahier de charges pour les dirigeants, ce n’est pas normal d’exiger des licences pour les entraineurs et les joueurs mais pas pour les dirigeants. N’importe qui peut diriger un club professionnel et cela n’est pas normal. Il y a aussi un gros effort à faire en terme d’infrastructures mais le plus douloureux est l’abandon concernant les jeunes. On peut donner l’exemple du Paradou qui est le seul club qui prend en charge ces jeunes, qui travaille intelligemment en ayant son propre capital et on voit le résultat actuellement avec des joueurs qui sont exportés et alimentent les championnats européens.

Le Paradou AC est donc un exemple à prendre en compte pour nos dirigeants ?

Clairement mais cela m’étonnerait que les clubs prennent exemple sur ce modèle, l’argent public n’étant pas utilisé à bon escient. En tout cas, l’état n’est pas à la bonne heure lorsque l’on voit aussi l’instabilité à la fédération, avec des changements incessants et beaucoup de problèmes dans les bureaux. Sans oublier la ligue professionnelle qui n’en a que le nom, elle ne fait pas son travail comme il faut avec un championnat faible, pas attractif ni intéressant à suivre, sans omettre les problèmes récurrents de programmation. Le football amateur souffre aussi, lorsque l’on voit un club jouant une compétition continentale évoluant maintenant sur le troisième palier, on ne comprend pas grand chose avec les changements de formules. Il faudrait vraiment redonner aux techniciens leur place par rapport au foot, ce sont eux qui sont capables de l’analyser et de l’expertiser afin de donner des orientations pour mieux travailler, ce qui n’a pas été le cas depuis 1962 !

Pour finir, tu es aussi chroniqueur radio, cela permet-il de te diversifier ?

Je suis effectivement chroniqueur mais aussi concepteur d’émissions radio, pigiste, journaliste donc un homme de médias depuis près de 20 ans maintenant. C’est vraiment passionnant, je le prend avec beaucoup de plaisir avec un autre regard concernant l’analyse, la discussion autour de thèmes dans le football. J’ai crée beaucoup d’émissions, de concepts dont notamment durant le Covid des Lives avec des personnalités importantes avec qui on avait pu échanger sur plusieurs sujets. Je suis aussi consultant avec pas mal de chaines comme France 24, Radio Soleil durant des années, la radio et télévision algérienne, participant aussi à des CAN et des mondiaux en tant qu’analyste. J’aime beaucoup ce monde-là, il permet d’avoir du recul et un autre regard sur le football afin d’évoluer.