SUR SON ENFANCE : «Je n’étais pas casse-couille»
C’est un attaquant que j’admire. C’est un exemple. Depuis petit, je regardais ses matches, ses vidéos. Il a marqué l’OM.
Dans votre tête, il y avait Didier Drogba et Eric Cantona.
Ouais, c’était encore l’époque des cassettes. Je regardais celles de Cantona.
Un mélange des deux, ça donne Enzo Crivelli ?
Non, non, je ne suis personne. Je suis juste Enzo. Ce sont deux grands joueurs, je ne me mets pas à côté d’eux pour l’instant.
Vous vous souvenez de votre premier maillot ?
Celui de l’OM.
Votre père y a joué…
Il était marseillais. Quand ils sont arrivés d’Algérie, ils sont allés directement à Marseille. J’ai encore ma famille là-bas. Mon frère aussi a joué à l’OM. Marseille était une évidence.
Comment était le jeune élève Enzo Crivelli ?
Je pense qu’il était respectueux, mais avec un petit côté blagueur, à faire des petites conneries. Mais j’ai toujours respecté mes professeurs. Je n’étais pas casse-couille.»
SUR SA CARRIÈRE PROFESSIONNELLE : «Je ne méritais pas d’être plus haut»
Je dirais moyenne. J’aurais pu faire mieux. Je sais aussi que j’ai été impatient à certains moments. Mais ça, c’est moi, j’ai toujours été impatient. Avec le recul, tu te dis « j’aurais pu rester à Bordeaux. » Mais j’avais besoin d’une nouvelle expérience. On m’avait dit que j’allais jouer quand je décide de partir à Bastia. Dans ma tête, c’était acté, je voulais connaître autre chose et être sûr d’être titulaire. L’entraîneur et le président voulaient que je reste à Bordeaux. Mais quand je prends une décision, normalement, je ne reviens pas dessus.
Ça bouillonnait trop en vous ?
Quand je ne joue pas, je ne suis pas content. J’ai vécu de très bonnes expériences. À Bordeaux, mon premier club où j’ai tout connu, la Gambardella, les sélections en équipe de France de jeunes, le monde pro ; à Bastia, où j’ai découvert des gens, un club et des supporters à part. Dans la vie de tous les jours, les gens sont magnifiques. Retrouver le sud m’avait fait du bien. Je n’étais pas loin de ma famille. J’ai connu Angers et Caen avec de bonnes personnes aussi. Chaque club est une étape. Je ne regrette rien. Je suis fier d’avoir fait ce parcours et d’avoir connu ces clubs-là qui m’ont amené à grandir.
Après Bastia, cela a été compliqué de confirmer…
Ce sont des choix avec des styles d’équipes différents. Je ne dois pas les regretter. Il faut assumer. C’est toujours compliqué dans des clubs où on joue le maintien. On sait à quoi s’attendre. Si on est dans ces clubs-là, c’est qu’on le mérite. Je ne méritais pas d’être plus haut. Mon évolution a peut-être stagné. Pour un attaquant, ne pas avoir beaucoup d’occasions est compliqué, et la confiance se perd. Mais je n’ai jamais douté. Et ce n’était pas compliqué, car c’est du bonheur de jouer au foot. Ce sont des étapes, c’est tout.»
SUR SON DÉPART L’ÉTÉ DERNIER : «Je ne voulais pas rester en France»
Il y avait plusieurs clubs. Il m’avait dit que la Turquie était un projet intéressant, ça jouait l’Europe. On a pris les valises. Il y avait d’autres choix possibles, mais, en réfléchissant, c’était le meilleur.
Auriez-vous pu rester en France ?
Je ne voulais pas rester en France. J’avais besoin de partir. Mon agent m’avait dit qu’il y avait des clubs intéressés. Je lui avais dit : « Stoppe tout, dis leur que cela ne sert à rien. » Je voulais découvrir autre chose, une autre culture, un autre football. Dans ma tête, c’était réglé.
Vous étiez lassé ?
Non, pas lassé. C’est simplement une étape. Je connaissais la Turquie par rapport aux clubs avec des ambiances. De base, j’aime ça.
À quoi ressemble l’Istanbul Basaksehir ?
Il grandit petit à petit. Il est encore inconnu. Il lui faut des victoires en Championnat, en Coupe ou en Europe. À Istanbul, c’est dur d’être derrière Galatasaray, Besiktas et Fenerbahçe. Surtout au niveau des fans. Dans toutes les familles turques, ils sont pour l’un de ces trois-là. Basaksehir est tout nouveau. En gagnant des trophées, on peut ramener plus de monde au stade. On est le nouveau qui veut déranger les gros.
Qu’est-ce qui fait que vous vous y sentez aussi bien ?
Dans l’équipe, ça joue plus au ballon, j’ai plus d’occasions. Tout simplement. Pour un attaquant, quand ça joue plus, c’est plus agréable, ça fait du bien. En allant dans la surface, on sait qu’on va avoir un centre. Je touche plus le ballon, je participe plus au jeu… C’est différent de mes dernières saisons en France. C’est une année où je marque. J’ai envie de marquer encore plus. J’en ai besoin. Même s’il n’y a pas que ça.
Vous évoluez avec Robinho. Comment est-il ?
C’est un bon mec. Il ne se prend pas la tête. Il rigole avec tout le monde. Je ne parle pas trop anglais, mais je parle un peu parfois avec lui et je pense qu’il regrette un peu sa fin de carrière. Les anciens de l’équipe ne se prennent pas pour des autres. Avec leur carrière, ils auraient pu, mais il y a toujours ce respect envers tout le monde. Ça prouve que ce sont des grands joueurs.
Gaël Clichy est un de ces anciens…
Il m’a tout de suite bien accueilli. Qu’il parle français, ça m’a fait du bien. Demba Ba aussi. Ce sont les deux qui m’ont épaulé et mis dans de bonnes dispositions quand je suis arrivé.
Le but de votre saison est celui de la qualification pour les seizièmes de finale de Ligue Europa à Mönchengladblach à la 90e minute…
C’était un but important. C’était la joie pour tout le monde, pour le club, pour la Turquie. J’ai fait un début de saison correct. Maintenant, à moi de continuer et de faire de même dans la seconde partie. Mais comparé à mes années précédentes, c’est toujours mieux. On va dire que je retrouve le goût d’avoir une équipe plaisante et de marquer plus de buts.»
SUR LA SUITE DE SA CARRIÈRE : «J’aimerais jouer la Ligue des champions»
Je veux marquer le plus de buts cette année, être champion et passer le prochain tour de Ligue Europa. Pour la suite de ma carrière, j’aimerais bien jouer la Ligue des champions.
Avec la petite musique ?
Depuis tout petit, cette musique me fait vibrer. Elle est extraordinaire. Au point que j’ai envie de la jouer le plus rapidement possible. Ça me rappelle des souvenirs chez moi, à la télé. Tout petit, on aime cette musique, et en grandissant, ça devient un objectif.
Aimeriez-vous revenir en France en disant : « Vous voyez, ça, c’est Enzo Crivelli » ?
Oui, pourquoi pas. Bien sûr. Avoir de la reconnaissance, non, parce que le foot est comme ça. Je ne suis pas parti en mauvais termes. Mais revenir, oui, pourquoi pas.
Être sélectionné un jour pour l’Algérie, c’est possible ?
Mon père est pied noir, il est né en Algérie comme mon grand-père et ma grand-mère. Mais sinon, je ne sais pas. Sincèrement, je ne me suis jamais posé la question.
Parfois, on oublie aussi que vous n’avez « que » 24 ans.
Mes coéquipiers me disent : « On pense que tu es plus âgé, que tu as 28, 29 ans. » Mais non, je suis encore là, je n’ai que 24 ans. Mais dans le foot, il n’y a pas de temps, ça va vite, et dans les deux sens. Ce serait bien de faire de belles choses le plus rapidement possible.»